Le MATATO ou Cérémonie de hutte de sudation (sweat lodge)

Chamanisme

UNE JOURNÉE DE LIBÉRATION ET DE RESSOURCEMENT

Les premières nations de ce territoire avaient la bonne habitude de se tenir au clair régulièrement. La cérémonie de MATATO (prononcer MADADOU – de la langue algonquienne qui veut dire Rassemblement des esprits) ou de la hutte de sudation (sweat lodge) était une des façons de se libérer et de trouver en soi la force pour vivre bien sa vie. Ce rite nettoie en effet tant physiquement, qu’émotionnellement et spirituellement et en prime, il constitue un moment de ressourcement. Même si la cérémonie se passe en groupe, le travail se fait chacun pour soi, à l’intérieur de soi. On ne participe pas à cette cérémonie à teneur spirituelle en touriste. Chacun y arrive avec son intention et se doit de demeurer dans une grande présence à soi tout au long du rite. Les esprits appelés à l’aide au cours de la cérémonie, les gestes posés par le meneur et le gardien de feu ainsi que l’environnement qui est créé contribuent à cette présence d’être ainsi qu’à la libération.

D’HIER À AUJOURD’HUI

Selon Robert Seven Crows, porteur de pipe (porteur de la tradition) Mic Mac, les anciens utilisaient sans doute cette cérémonie au besoin et la célébraient en famille. Les familles se déplaçaient continuellement à cause du mode de vie nomade et la pratique de ce rite était simple: lorsque le besoin se faisait sentir, on montait la hutte, on procédait à la cérémonie puis on défaisait et brûlait la hutte après la cérémonie. Les Innus vous diront qu’il faut jeûner toute la journée et faire la cérémonie à la tombée du jour. Les rites diffèrent un peu d’une tradition à l’autre. Une chose est certaine, on ne répétait pas la cérémonie à toutes les semaines et on prenait sans doute des mois pour intégrer tout ce qui avait pu se passer pendant le rite.

Avec la venue des missionnaires, l’évangélisation et la loi sur les Indiens la cérémonie s’est perdue pour plusieurs traditions. Seuls quelques rebelles ou nations de régions éloignées en ont fait, bien cachés au fond des bois. La cérémonie s’est aussi transformée et, en plus de s’adapter au style de vie contemporain, porte souvent aujourd’hui, même chez les peuples plus traditionnels, des traces de pensée religieuse.

On doit probablement le retour de cette tradition aux Lakotas (peuple des plaines des États-Unis) qui dans les années 1970 ont popularisé le rituel à travers l’Amérique et l’Europe. C’est probablement aussi à ce moment que les cérémonies se sont ouvertes aux femmes.

Traditionnellement, les femmes ne participaient pas à la hutte de sudation. À cause de leur cycle menstruel, elles avaient la possibilité de se « nettoyer » à toutes les lunes et elles se réunissaient plutôt dans la hutte des lunes (sans sudation) pour avoir leurs visions et discuter entre elles des meilleures décisions à prendre pour leur communauté car pendant leurs lunes, on savait que les femmes étaient plus visionnaires. Mais aujourd’hui, les femmes vivent la même vie que les hommes, elles ne sont en général plus en résonance avec la lune et elles ont besoin de cette cérémonie autant que les hommes.

Aujourd’hui, le rite est peut-être altéré dans sa forme. Ce qui importe, comme le disait Robert Seven Crow: «c’est de retrouver le mysticisme qui l’éclairait lorsque les Anciens le pratiquaient.» En plus, chaque cérémonie a son caractère propre et sa qualité dépend de la personne qui la mène ainsi que des personnes qui y participent.

NINIMATISEWIN

La cérémonie de hutte de sudation « est un voyage dans le ventre de la Terre mère avec l’aide des esprits », disait Roger Echaquan, porteur de pipe Attikamek. Dans cette langue, le terme Ninimatisewin décrit bien la nature du rite : Nin signifiant moi et matisewin signifiant ma vie, c’est la rencontre entre moi et ma vie pour en trouver le sens. La cérémonie sert à se purifier dans le sens de retrouver la qualité première de son essence. Elle sert à laisser aller ce qui encombre notre essence depuis que nous sommes dans le ventre de notre mère, à nous « laver » de tout : les peurs, les émotions, les ressentiments et autres. C’est une sorte de renaissance ou ren’essence et la cérémonie suit le cercle de la hutte en transportant les participants à travers les cycles de la vie, des jours et des saisons.

LE SITE

La hutte construite pour cette cérémonie est portée une structure plutôt basse et circulaire, une sorte de demi-sphère montée à partir de perches de bois flexible (aulne ou bouleau selon les traditions et ce qui pousse sur les lieux) qu’on enfonce dans la terre et qu’on recourbe pour qu’elles se croisent au milieu. Trois ou quatre (selon les traditions) cercles de perches sont aussi installés horizontalement. Ces perches ont une signification qui varie d’une tradition à l’autre. L’entrée sera en général placée à l’Est pour les peuples du Nord de l’Amérique du Nord. Les perches au nombre de 12 ou 16 sont d’abord installées dans chacune des directions puis entre les directions. Cela crée une géométrie sacrée bien précise formée par les croisements des perches au plafond de la hutte.

On recouvre la structure avec des couvertures et/ou des bâches pour y créer la totale noirceur et conserver la chaleur au-dedans. Au milieu de la hutte on a creusé une petite fosse pour y déposer les pierres qui ont été rougis au feu. Les pierres sont considérées comme les êtres les plus anciens de la Terre. Elles ont le même âge que la planète et elles portent toutes les mémoires. C’est pourquoi on les appelle les grands-pères et les grands-mères. Ce sont ces pierres qui, chauffées à blanc dans un feu sacré situé devant l’entrée de la hutte, à quelques mètres de distance, réchauffent la hutte pour provoquer la sudation.

Entre le feu et la hutte, chez les peuples du Nord de l’Amérique du Nord, on trouve la tortue (symbole présent dans toutes les traditions amérindiennes et qui est rattaché au mythe de la création du monde – l’île de la tortue) qui est constituée par la petite butte de terre qu’on enlève à l’intérieur afin d’aménager la fosse. On peut aussi retrouve la tortue un peu en retrait du côté droit de l’entrée. Tout dépend des traditions et de l’espace disponible. On appelle la ligne imaginaire entre le feu et l’entrée de la hutte le chemin des ancêtres car c’est le chemin que parcourent les pierres portées par le gardien de feu entre le feu et la fosse dans la hutte. On retrouve aussi sur les sites de huttes des rubans ou autres tissus de couleur qui indiquent les directions.

MENEUR ET GARDIEN DE FEU

Le porteur ou meneur (il y a aussi maintenant des femmes qui assument ce rôle) de la cérémonie possède la mécanique pour introduire les participants à un autre état d’esprit. Cette personne devient une sorte de canal pour les esprits compatissants qui aident les participants à entrer dans l’état de conscience nécessaire pour se libérer. C’est aussi la personne qui diffuse les enseignements. Chez les traditionnels, le meneur chante et conte. Il peut aussi amener les participants à faire des visualisations ou des transes au tambour afin de les aider à comprendre ce qu’ils ont à comprendre et à libérer ce qui doit l’être. Le meneur mène la cérémonie, lui donne son rythme en harmonie avec celui des participants, il mène le bateau de la cérémonie et s’occupe de ce qui se passe dans la hutte.

Le gardien de feu s’occupe, pour sa part, de l’extérieur de la hutte et du feu. Il construit le feu puis, le nourrit tout au long de la cérémonie tout en canalisant aussi l’esprit pour conserver au feu son caractère sacré et son pouvoir. Il reste à l’écoute du meneur tout au long de la cérémonie et s’occupe de ceux qui doivent sortir le cas échéant. Il agit comme un gardien de la cérémonie et voit à ce que tout aille bien sur le site pour que les participants puissent se libérer en paix.

4 PORTES

En règle générale, la cérémonie se déroule en 4 temps une fois que les participants sont entrés dans la hutte. Ces portes sont ainsi appelées car chaque partie permet de passer par un des stades du cycle de vie (enfance, âge adulte, vieillesse, mort et renaissance) et par les éléments de la nature (eau, feu, terre et air) reliés à chacune des parties. Entre chacune des portes, le meneur fait ouvrir la porte d’entrée pour donner un peu d’air frais aux participants et permettre au gardien de feu d’entrer de nouvelles pierres. Les meneurs font parfois sortir les participants entre les portes. Parfois les participants resteront à l’intérieur du début à la fin de la cérémonie, soit pendant 2 à 6 heures (10 ou 12 heures pour certaines).

EN PRATIQUE

On doit consacrer au moins une journée à la cérémonie et prévoir une journée le lendemain pour intégrer et laisser déposer à l’intérieur de soi ce qui s’est passé au cours de la cérémonie. Les participants entrent en général légèrement vêtus afin d’être à l’aise pour transpirer à grande eau : les femmes en robe ou en jupe avec un haut (rien dessous) et les hommes en short. On apporte du tabac pour le donner au meneur et au gardien de feu. On apporte aussi (sauf pour certaines traditions) un don en argent pour le travail et le temps du meneur et du gardien de feu. Le travail spirituel n’a pas de prix mais le temps, les connaissances et l’expérience en ont ainsi que la demi-corde de bois franc qui est nécessaire au feu.

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